Meeting… Sylvain Tognelli
Photos: Henrick Biemer
Interview: Benjamin Deberdt
"Par contre, je vais changer mon nom pour vendre plus de boards […]"
Sylvain Tognelli suit son petit bonhomme de chemin depuis son Juras natal… Remarqué à Lyon, Français intégré à une confrérie très britannique juste parce qu’il le faisait, expatrié à Berlin un peu plus sérieusement que beaucoup, Sylvain fait rarement comme tout le monde, dans la vie comme dans son skate… Et c’est pour ça que c’est toujours un plaisir de lui poser des questions.
Alors, ajoutez une actualité qui fait parler à travers le monde, et un passage au statut de professionnel, et vous obtenez un candidat idéal pour une interview!
Commence par nous faire un peu rêver: décris-nous ton hiver à Berlin!
Cet hiver n’a pas été l'un des plus froids, mais il reste difficile de skater dehors pendant cinq mois. Il y a des jours ensoleillés et secs, et il arrive que l’on se motive à sortir mais ce n’est pas bon pour les articulations et les tendons. À -10°C, les muscles se chauffent après trente à quarante-cinq minutes, mais il est impossible de se détendre. Pour la progression technique, j’imagine qu’il est plus simple de vivre dans un endroit où l’on peut skater chaque jour de l’année.
Cependant, l'hiver fait apprécier l’été beaucoup plus que pour quelqu’un qui vit en Californie. Les premiers jours de printemps, on redécouvre l’impression de skater dehors, et tout le monde est super heureux. Je crois aussi que l’hiver a cet avantage d’ouvrir les skateurs à d’autres activités, histoire de rester humains.
C’était un bon break, ce récent voyage à Valencia?
L’Espagne est une valeur sûre, et Barcelone reste l'épicentre pour le skate, mais chaque ville est une bonne destination. La police est, par contre, de pire en pire. On a eu la chance de passer chaque fois entre les mailles du filet!
Pour ceux qui ne sont pas forcément dans le secret des dieux, tu peux résumer un peu la mort de Blueprint et ce qui en a suivi?
Blueprint a été racheté par un distributeur américain, il y a quatre ans car le propriétaire anglais était en liquidation. Après quelques années, les désaccords avec le propriétaire à propos de la direction de la marque ont grandi. Dans un premier temps, on a essayé d’améliorer les choses, Paul a investi énormément d’énergie et de temps pour redresser le navire. Quand, petit à petit, tout le monde a réalisé que Blueprint ne pouvait plus vivre à la hauteur de ses standards, la décision de quitter la marque n'était pas loin. Pourquoi skater pour une marque si elle n’est pas le reflet exact de notre vision?
Le propriétaire est maintenant en train d’essayer de relancer la marque avec un nouveau team, en ignorant complètement ce qui a fait la marque. Je lui souhaite bonne chance car si les clients ne sont pas toujours au courant –ce qui est normal– les shops et distributeurs, eux, ne seront pas dupes.
Frontside smith grind, à Dresden, en Allemagne.
Lorsque vous avez tous annoncé que vous abandonniez Blueprint, vous saviez déjà ce que vous alliez faire?
Tout le monde tend à faire des projets avec ses amis, pas seulement des marques de skate.
C’est excitant de faire partie de quelque chose en pleine création?
Cette question est un peu rhétorique… C’est fascinant de voir un projet se créer en partant d’une vision forte et de valeurs partagées, rien de concret ou de quantifiable. Souvent, dans le skate, les projets sont réalisés avec un financement extérieur, et donc il existe un dialogue entre l’investisseur et le créateur. Dans le cas d’un projet indépendant, tout se passe en circuit fermé, seuls sont inclus ceux qui participent à la création. Je pense que la température monte plus facilement, les choses qui sortent ensuite sont bien cuites. Pour ma part, je pense à beaucoup de trucs, mais je ne suis pas le meilleur à les mettre en œuvre. J’y viens doucement.
Ça commence à faire un bail que tu es chez Lakai?
Huit ou neuf ans. Par un deal de skateshop d’abord, grâce à Benny et Barbiche –chez Wall St à l’époque–, ensuite par le distributeur français Jérôme puis avec Mathieu pour l’Europe. J’essaie de privilégier les relations à long terme plutôt que les opportunités. En conséquence, je manque sûrement des expériences, mais, à terme, c’est plus intéressant de connaître les personnes et éventuellement de donner à la relation marketing sponsor/skateur une autre dimension.
Frontside tailslide, à Antalya, en Turquie.
Revenons à Berlin: tu te vois là-bas encore longtemps? Tu fais partie des rares skateurs à y être resté plus que quelques mois d’été, parmi tous les skateurs qui y ont déménagé…
Ça fait presque quatre ans que j’habite ici mais je n’ai pas l'impression d’être vraiment installé. Filmer et prendre des photos n’est pas la meilleure façon de se sentir investi localement, j’aimerais participer à la vie, ici. De plus, je ne parle toujours pas allemand avec ma copine, pas question de partir tant que je ne parle pas cette horrible langue couramment!
L'été arrive –on y croit!–, qu’est-ce que tu as de prévu, idéalement?
Des voyages intéressants et du bon temps à Berlin, finalement parler allemand et aller jouer au golf plus souvent! En ce moment, je filme pour la vidéo Grey, c’est un peu une décision de dernière minute. On a fait une semaine à Valence, une semaine à Londres en février, et bientôt une semaine à Lyon et une semaine à Berlin. Ici encore, la part sera filmée en un mois et quelque, au total. D’un côté, peut être que c’est mieux comme ça, il est plus facile de s'y retrouver dans un laps de temps court. Ça ressemble plus au skate et moins à une collection de tes meilleurs tricks. C’est aussi marrant de participer à plein de projets, mais je crois qu’un jour je vais essayer de prendre le temps. Je serais fier de sortir un truc un peu plus fini.
Il y a aussi la vidéo Nozbone qui doit sortir à la fin de l’année, une raison de plus d’aller filmer avec Ludo Azémar qui va encore une fois faire de la qualité. Ça ne fait pas longtemps que je skate pour eux, mais c’est un projet important.
Être pro, c’est quelque chose que tu souhaitais atteindre?
Il y a six ou sept ans, Nick m’avait demandé si un jour je voudrais être pro. Je lui avais dit : “bien sûr que non!” À l'époque, je n’étais pas du tout prêt, j’étudiais, et être amateur me permettait d’éviter pas mal de responsabilités, donc ça me convenait très bien!
Maintenant, ça fait presque trois ans que je ne fais que skater, je vis du skate et, surtout, j’ai la conviction que je peux apporter quelque chose. Je vois cette étape plus comme un challenge pour le futur que comme un objectif à atteindre. Par contre, je vais changer mon nom pour vendre plus de boards, un truc comme Silver Surfer vendra beaucoup plus que Sylvain Tognelli.
Tu n'étais réellement pas au courant?
À part la conversation mentionnée plus haut je n’ai jamais reparlé de ça jusqu’à, il y a quelques jours, quand Nick et Jake Harris m’ont rejoint à l’aéroport avec le champagne! Récemment, à Londres, on a eu une réunion et, apparemment, ils ont dû passer pas mal de temps à préparer les images pour effacer ma board partout!
Beau geste! Et avec Isle, quels sont les premiers projets? Une vidéo?
Oui!
Voici donc un petit aperçu de ce que Sylvain devrait nous proposer dans les mois qui viennent: