Le pire et le meilleur de Scott Bourne

Photos et interview: Benjamin Deberdt

 Benjamin Deberdt

Accéder au statut d’auteur publié n’aura jamais été une mince affaire –si l’on peut appeler ça ainsi– mais l’on se doute bien que notre époque moderne ne doit pas simplifier la tâche aux aspirants écrivains… À moins que?
Skateur professionnel « à la retraite », Scott Bourne publie ces jours-ci son premier roman (tout en écrivant déjà le troisième), et possède donc quelques éléments de réponses sur le sujet. Cela aurait pu prendre une nuit entière à boire du vin, mais ce matin-là, nous n’avions que le temps d’un café au comptoir de notre troquet favori.
Laissez-moi vous présenter mon voisin, qu’il vous raconte un peu sa nouvelle vie, celle de romancier publié.

Le pire côté d’effectivement écrire la dernière ligne d’un livre?
Je vivais depuis un an au fin fond de la campagne française. Ma vie là-bas était complètement coupée de tout ce qui était autrefois normal pour moi, et j’étais heureux comme jamais dans cette solitude. Je travaillais toute la journée à mon roman. Et quand je n’écrivais pas, je passais le reste de mon temps dans de longues promenades, seul, dans les bois, ou sur mon vélo pour aller au village voisin. Je ne m’étais jamais imaginé comme quelqu’un qui, à 30 ans, se retirerait du monde moderne, et pourtant, c’était exactement ce que j’ai fait. Étrangement, cet état de bonheur s’est évaporé au moment où j’ai écrit les mots « Fin ». Cet instant m’a empli de panique et de stress. En 48 heures, j’avais loué une chambre à Paris et quitté la campagne.

Le meilleur côté de feuilleter un exemplaire du même livre, pour la première fois?
Que je puisse le feuilleter… C’est un livre, pas un fichier sur un Kindle ou un I-pad.

Le pire moment de tout le processus, depuis l’écriture, jusqu’à la publication?
Les agents et les éditeurs qui veulent toujours changer quelque chose, ou couper une partie, ou qui essaient juste de transformer le livre en objet marketing. Tout le monde veut se faire du blé sur ton dos, et ils se foutent pas mal de ton intégrité artistique. Ce truc ne se vendra jamais à un million d’exemplaires, ce n’est pas un roman à suspense… C’est même plutôt l’inverse. Il devrait faire poser le livre au lecteur de temps en temps, pour réfléchir à la vie, et pas le faire parcourir les lignes en le gardant faussement excité.

Le meilleur côté de ne plus être skateur pro?
Je porte mes bottes de cow-boy toute la journée!

La pire préconception que les gens peuvent avoir de toi?
Que je suis riche!

 Benjamin Deberdt

Le manuscrit original et la version publié de A Room With No Windows.

La meilleure rumeur que tu aies jamais entendu à ton sujet, ces dernières années?
Juste après que ma chaussure soit sortie chez Puma, j’ai lu quelque part que j’avais trois maisons! Une à San Francisco, une à Paris, et une troisième où j’allais écrire, dans la campagne française. J’ai halluciné, et j’étais même un peu blessé d’être perçu comme ça. Je n’ai jamais été propriétaire de toute ma vie. J’ai 40 ans, et je n’ai même jamais eu de carte de crédit, et encore moins de ligne de crédit à ma banque!

Le pire côté d’être un écrivain publié en 2013?
Les livres numériques, et les blogs… Toutes ces maisons d’édition veulent te sortir en livre numérique parce que c’est sans risque pour eux. Ils n’ont rien à faire fabriquer, et ne se retrouvent pas avec des invendus. Et puis, elles veulent que tu crées un site et alimentes un blog à propos de ton livre. Je ne blogge pas sur mon roman, j’écris le suivant! Ils sont censés te promouvoir, mais s’ils veulent juste sortir un livre numérique, pourquoi ne pas le faire toi-même dans ce cas? Pourquoi leur donner une part du gâteau?

Le meilleur conseil que tu pourrais donner à quelqu’un qui a l’envie d’écrire?
Je n’en ai pas. Fais ce qui marche pour toi. Il n’existe pas un secret pour le style, c’est à chacun et chacune de développer le sien, ainsi que sa technique!

La pire chose que tu n’aimerais vraiment pas entendre à propos de ton livre?
Je ne lis pas les bonnes critiques. Si je vois que ce sera positif dès le début, je m’arrête. Personne ne prend de risque à écrire une bonne critique. Je ne lis que les mauvaises. Parce qu’elles demandent des couilles pour les écrire. Dans vingt ans, le livre sera peut-être devenu quelque chose d’important, et je repenserais aux mauvaises critiques en me disant que ces gens-là auront perdu, mais qu’ils avaient tout de même eu les couilles, et je ne peux qu’admirer ça. Donc, au final, il n’y a rien que je ne puisse pas entendre. En général, tous les gens qui l’ont lu, jusqu’ici, étaient plutôt surpris par le livre. Et rien que ça, c’est déjà gratifiant!

La meilleure excuse que tu aies jamais trouvée pour ne pas avoir appris le Français en dix ans ici?
Je ne sais déjà pas parler anglais correctement!

Vous pouvez d’ores et déjà vous procurer un exemplaire de A Room With No Windows auprès de 1980 Éditions.

Et revoici la section de Spektra consacrée à Scott, skateur et écrivain, en 2008, à l’époque où il terminait son écriture. Une réalisation de David Couliau.

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