Liberté, Égalité, Fatalité
Interview : Benjamin Deberdt
Née pour souffrir… Ça ne devrait pas forcément faire rêver, comme slogan. Sauf s’il s’applique à l’une de nos meilleures amies, celle toujours collée serrée entre nos pieds suants et nos chaussures trouées.
Oui, la chaussette. Celle qui sauve de biens des maux, même si elle finit toujours par empester un coffre, ou pire, un appartement entier… Enfin, ça s’était avant. Avant Savate, une nouvelle marque française, jusqu’au bout du fil, sorti tout droit du cerveau de trois acteurs accomplis de notre petit monde. Trois skateurs que vous ne pouvez pas avoir ratés, même si vous n’êtes jamais passé par le skatepark de Chelles, tant ils ont bourlingué à travers le monde à la recherche du spot. Fin des présentations, donc, et passons directement aux questions concernant leur nouveau projet : Savate skateboarding socks !
Donc, Savate, qu'est-ce que c'est ?
Mathias Thomer : L’idée qui trottait était de trouver un support d’expression qui offre des possibilités proches d’une planche de skateboard. Puis d’apporter notre culture, nos racines et nos influences dans une marque directement impliquée dans le milieu du skateboard, mais identifiable par tous. Le tout dans un produit conçu pour une pratique intensive du skateboard.
Stéphane Desjardins : C'est un bon challenge, ça motive. On voulait faire un truc depuis tellement longtemps, mais on n’avait pas d'idée précise… avant de tomber sur la chaussette. On n’a rien à perdre, et puis c'était maintenant ou jamais.
Olivier Stepniewski : On voulait faire quelque chose de plus dans ce milieu que ce que l'on faisait habituellement : skater, construire des modules ou gérer un park… On cherchait un autre moyen de s'exprimer, et avec les chaussettes, c'était une manière rigolote et différente de toucher les skateurs, en parlant à leurs pieds.
Et pour représenter tout ça, je crois que vous avez un petit team qui va bien ?
Mathias : Vincent Coupeau, Rémy Taveira, Sam Partaix, Guillaume Mocquin, Oscar Candon… Leurs styles dégagent une forte personnalité, une approche du skateboard très instinctive. Ils te donnent envie de skater tout ce qui se présente devant toi. Et puis, ils ont ce French flair, une capacité à incarner l’identité de Savate en un coup d’œil. Nous sommes très fiers de pouvoir regrouper tous ces gars dans un même team.
Stéphane : On a des gars qui nous plaisent, on aime ces mecs qui peuvent skater n'importe quoi. Pour ma part, c'est exactement le genre de skate que j'aime. En plus, ils sont super forts, et ils se bougent le cul. L'image semble leur convenir, alors tant mieux.
Olivier : C'est une équipe de fonceurs qui skate vite et haut. On voit qu'ils ont du plaisir à skater tout et partout avec un bon spirit. Du coup, on a beaucoup de plaisir à les regarder skater, et à les avoir dans le team.
Vincent Coupeau, backside ollie. photo: Mathias Thomer
Ça m'a l'air d'être une bonne équipe pour partir sur la route, ça, non ?
Stéphane : Ils n’ont pas de maison, en fait, ce sont des nomades !
Mathias : C’est un rêve… rempli de spots. Dès que nous le pourrons, on prendra la route.
Olivier : Va falloir en vendre, des chaussettes, pour faire un road trip…
Je crois savoir que tout est fabriqué en France, c'était une volonté depuis le départ, ou c'est juste plus simple ?
Stéphane : Les deux, en fait : qualité et proximité.
Mathias : Choix de cœur, et de savoir-faire. Tricoté en France!
Olivier : 100% français, oui monsieur ! La qualité au service du pied !
Oscar Candon, backside tailslide. photo: Benoit Renaux
Expliquez-nous un peu l'imagerie de la marque, très française, aussi.
Stéphane : Ça fait un certain temps qu'il y a un délire autour de la moustache et tout ça dans la Tribe [l’équipe Chelloise, entre autres à l’origine du park Cosa Nostra, NDLR], je me demande s’il n’y a pas du Flaive, là-dessous. Après… la France, la moustache, la savate… Les bagnards… La fatalité… Ça nous a bien fait délirer. Pourquoi se priver ?
Mathias : La savate, c’est le combat à la Française, avec les pieds, imaginé au siècle dernier, dans les milieux des voyous, des marins, des bagnards, des flics. Cette époque a aussi donné l’art déco, les années folles, la naissance de la culture populaire, les Garçonnes, le jazz, etc. Un univers qui a du sens, et qu’on retrouve dans l’imagerie Savate, et aussi dans les gars du team.
Olivier : Une image de dur à cuire, les bagnards année 1900… Des gars qui en ont chié et qui se faisaient tatouer avec de la pisse et du charbon pour ne pas oublier : ça c'est des couillus ! Il y a un peu de ça dans le skate, « des couillus », j'veux dire.
D'ailleurs, pourquoi des chaussettes ? C'est un fétichisme à vous ?
Stéphane : Ça doit être ça… On aurait pu faire des boards, ou des roues, mais à quoi bon ? Le marché est verrouillé.
Olivier : Sans tes pieds, t'es plus rien. Alors, en plus, avec des belles chaussettes, c'est la classe. Un support pas encore trop exploité dans le skate, et un bon moyen de délirer niveau dessins, couleurs etc.
Mathias : Fétichisme pur, adapté aux revenus de chacun, avec une fonctionnalité pour la pratique du skateboard.
Pour consommer local et qualitatif, c’est là que ça se passe !