Meeting… Hugo Liard!
Interview et photos : Benjamin Deberdt
Antiz avait prévu de finir en beauté en sortant la vidéo célébrant ses dix ans d’existence le 21 décembre à l’heure de l’apéritif. Très mauvaise idée puisque le monde tel que nous le connaissons a continué son chemin, quelque peu chaotique, vers le futur. Bref, nous sommes toujours là, alors Hugo ne pouvait plus couper à revenir sur cette histoire de marque de skateboard à deux têtes, une de mort et une de hibou…
Il aura tout de même fallu trouver un ponton où il puisse accoster. Pas toujours pratique en 2013, avec un galion!
Qui a eu l’idée d’Antiz, en fait ?
Bon, voilà, c’est moi qui a eu l’idée de faire sérieusement une marque de skate… Pour faire bref, je dirais que c’est comme pour les pirates, j’ai dû trouver un bateau –une marque–, puis ensuite un équipage : Loïc Benoit, Julian Dykmans et Juju Bachelier. Et puis, de là, on est parti tous à égalité, parce que si le bateau coulait, on était tous dans la flotte à nager…
Dans la réalité, comment ça se concrétise de lancer une marque ?
Il faut déposer le nom, puis créer une société et là, tu choisis la case où, en gros, tu ne perds que ce que tu apportes à la base, si ça coule. Voilà pour le juridique, ensuite niveau produit et marque, tu commences par écrire ANTIZ au marqueur sur ta casquette, en y croyant, et tu achètes une série de boards à une marque déjà existante, mais tu marques Antiz dessus. Tout ça dans la bonne humeur avec tes potes, en buvant et en faisant du skate… Quand tu es bourré, tu concrétises aussi des idées de futurs t-shirts et autres graphiques de boards…
Vous avez toujours eu une image homogène, comment s’est-elle développée et avec quelles influences ?
Le principal, c’est de rester soi-même, donc on n’a jamais triché, ce qui facilite vraiment l’histoire de l'image, parce que, de nos jours, les marques créent des univers dans lesquels elles ne sont pas vraiment. Mais Antiz est ce que nous sommes, nous : des humains simples qui veulent skater à max’, avec peu de besoins, et surtout pas de choses superficielles.
Fabrication artisanale des premiers t-shirts Antiz avec Julian Dykmans, une soirée d’inspiration à Barcelone. 2002.
Comment on se fait une place chez Antiz ?
Justement, en étant vrai, actif, en skatant à max’, en participant à l’activité du groupe et de la marque, et non en étant individualiste avec des besoins surdimensionnés… Nous ne sommes pas difficiles, mais notre marque ne correspond pas à des gens trop complexes avec beaucoup de besoins. Un skate, un couteau, un fute et on est heureux !
Si vous pouviez récupérer un rideur Antiz qui n’est plus avec vous, qui serait-il, et pourquoi ?
Ah, pas évident ! Tiens, pour ne pas faire de jaloux et faire simple, perso, je choisirai Tony Hawk… Ha, non, lui il n’est jamais rentré dans le team ! Nan, mais je dirais le premier à être monté sur un autre bateau : Love Eneroth. Je dis ça par nostalgie et par amitié, mais chaque personne qui a skaté pour Antiz reste imprégnée d’une expérience humaine très forte. J’aimerais tous les voir reskater pour Antiz, mais la vie prend d’autres chemins.
Un mot par rideur de ce team qui vient de survivre à une fin du monde.
Juju, quel cap on prend ?
Dominik, beau trésor que tu nous ramènes pour cette nouvelle année !
Hirschy, hissez haut !
Michel, quelles sont ces épices que tu nous ramènes à bord ?
Rémy, il nous faut un p’tit, là-haut, seul toi peux te faufiler.
Gabeeb, l’équipage est fatigué, remonte leur le moral !
Sam, à l’abordage !
Samu, préparer les chaloupes, on va visiter ces îles.
Julian, ta classe et ta grandeur nous servirons pour nos voyages.
Teemu, bienvenue à bord, nettoie-moi ce bordel…
Steve, préparer la poudre à canon et les sabres, on va leur faire voir !
Dallas, ta nourriture et ton vin ont remis l’équipage sur pied.
Furones, les Espagnols attaquent !
Frontside disaster et roulette dans le bout de bout de plan incliné en dessous, à la défunte Friche de Lyon, où Hugo vivait à l'époque. 2010.
Explique aux lecteurs quel genre d’emploi du temps ça implique d’avoir sa marque ?
Aujourd’hui, Juju et moi sommes les cogérants. Nous sommes au bureau de 9h30 à 13h00 et de 14h00 à 19h30. On s’occupe absolument de tout ce que fait une marque de skate, à part construire les planches. On travaille du lundi au vendredi, on a un bureau trop petit, avec tout dedans : le matos, les cartons, les ordis, un matelas, des skates… On paye plein de taxes, on travaille cinquante heures par semaine, on fait des cartons avec nos pieds pendant qu’on envoie des milliers de mails, qu’on fait des graphiques pour plein de trucs, qu’on téléphone à quarante shops dans la journée, plus tout l’administratif que cela implique : comptabilité, courriers, banque, et autres… On a des imprévus, qui retardent d’autres trucs qui font qu’on ne peux pas avancer comme l’on voudrait. On crée, on évolue, on améliore, on avance, on n’arrête pas… Et dès qu’il y a un trou, on skate.
Antiz tourne beaucoup et souvent en dehors des chemins balisés, pourquoi ?
Faire un trick sur un spot hyper waxé, déjà retourné dans tous les sens par tout le monde, c’est de la performance, skater un ledge vierge, c’est de l’aventure… Wouah, c’est cool ce que je dis ! [Rires]
Quel est le truc le plus fort que tu auras vécu via Antiz, depuis dix ans ?
Pour moi, c’est le meeting des dix ans, de voir que ma famille est passée de quatre à treize, enfin officiellement ! [Rires] C’est incroyable de voir des gens comme Peter Molec, Axel Cruysberg, et bien d’autres qui respectent assez Antiz pour vouloir faire partie du voyage. Voilà, c’est ça ma plus grande satisfaction : de faire quelque chose pour la pratique pure du skateboard. Si on pouvait, on prendrait tout le monde dans le team, mais on essaie de bien s’occuper des rideurs… Mais, d’autres projet arrivent.
Il y a aussi cette fois où j’étais en haut d’une montagne en Argentine, ou au milieu des steppes de Mongolie, ou encore en plein Hong Kong… Chaque moment est incroyable. Bon, les tours en Oregon resteront à jamais gravés : bière, skate, liberté !
Au final, c’était une bonne idée, Antiz ?
Bien sûr, la meilleure ! Chacun se développe au sein de la marque et, en même temps, fait se développer la marque. Antiz est notre navire et l’on fait tous ce que l’on a à y faire pour découvrir de nouveaux horizons.
Et les dix prochaines années, alors ?
Y aura plein de nouveaux gars, une nouvelle marque, peut-être, pleins de projets, des clips web pourris ou des vidéos d’une heure vraiment cools, des bières encore, ou du rhum, et puis des aventures… On va essayer d’améliorer nos boards, notre matos en fonction de ce dont l’équipage a besoin. Voilà, on sera là, et si on quitte le navire, ce n’est pas grave. D’autres prendront la barre…
Dix années, quatre minutes de bons souvenirs et treize de nouvelles images :