Meeting… Todd Francis!

Photos: Benjamin Deberdt
Interview: Scott Bourne

Todd Francis a conceptualisé et/ou dessiné certains des graphismes que vous chérissez depuis des années… Et continue de le faire avec régularité. La sortie de Look Away, le livre dédié à son travail nous a offert l'opportunité de lui envoyer un ancien collègue de bureau!
Benjamin Deberdt

"Non, je n'ai jamais reçu de faveurs sexuelles grâce à une très bonne déco de planche…"

J'ai rencontré Todd dans les années 90, lorsqu'il est venu travailler comme illustrateur chez Deluxe. Je vivais alors dans un van avec mon opte Will Daniel, skatant à fond après nos heures à faire des cartons dans le stock. Lorsque Benjamin m'a demandé de lui poser quelques questions, j'étais autant excité de savoir ce qu'il avait dans la tête aujourd'hui que de le titiller un peu comme je le faisais déjà à l'époque. Voilà ce que cela donné!
Scott Bourne

Qu'est-ce que tu préfères chez les skateurs, notamment lorsque tu travailles avec eux?
Déjà, ils semblent avoir un bon sens de l'humour en général, personne ne semble prendre les choses trop au sérieux. C'est toujours un bon point de départ, pour une session de brain storming…

Même de nos jours, tu reçois encore l'avis des pros?
Cela dépend pour qui je travaille. Pour Anti Hero, par exemple, cela commence en général entre Julien [Stranger] et moi. Frank Gerwer, aussi, a toujours de très bonnes idées, mais pour ce qui est d'avoir un vote du team, ou d'avoir un rideur qui a beaucoup d'input dans ses graphiques, cela dépend vraiment de lui. Mais, je ne suis pas au téléphone tous les jours avec eux à propos de leurs board, c'est sûr. En général, ils font confiance à notre processus. Ils ont généralement contents des idées que Julien et moi développons.

L'Aigle, c'est lui…

Et le pire côté des skateurs, de ton expérience?
Cela fait un bail, mais parfois, certains skateurs se prennent pour des artistes très doués… Et ça donne souvent n'importe quoi, lorsqu'un gars de 24 ans se prend pour un artiste de talent. Et ils sont souvent bien plus jeunes. Et ils ont souvent tort: ils n'ont pas que des idées géniales, et ils ne sont pas forcément des illustrateurs incroyables… Ils devraient donc laisser les idées et leurs applications à des professionnels. Et puis, comme partout ailleurs, tu as parfois de ces gens qui se prennent très au sérieux, ce qui n'est jamais très marrant, voir chiant…

Tu as déjà dessiné une board pour un pro qui en a été choqué ou fâché?
Cela fait bien longtemps que quelqu'un ne m'a contacté pour me dire à quelqu'un point il n'était pas content. Mais, j'avais dessiné une board pour Gonz, avant que Krooked ne soit créé, donc pour Real, et c'était une scène de course de hippisme, avec tous les chevaux arrivant sur la ligne d'arrivée. Elle est sorti et j'en était plutôt content, mais lui était furax! Je le titillais tout le temps, Gonz, je le taquinais, lui faisais des blagues, juste parce que tout les autres le traitait comme s'il 'était l'Enfant Jesus ou un truc du genre, donc moi, je le torturais toujours un peu. Donc, la planche sort, et l'un des jockey, de part la position dans laquelle il était, et la façon dont il tenait les rennes, Gonz pensait qu'il se tenait la bite! J'ai regardé, j'ai vu ce qu'il voulait dire, mais c'était un accident, ce n'était vraiment pas volontaire… Ça doit être la dernière fois que quelqu'un a été vraiment fâché. Il y a eu des fois où certains pros n'étaient pas trop excité par leur board, parce que cala risquait d'offenser leur sponsor chaussure, ça c'est arrivé ces dernières années, mais pour ce qui est d'être vraiment en colère, ça fait une paie…

Premier jet pour un futur graphique Anti Hero Julien Stranger

Est-qu'il est déjà arrivé qu'une board que tu pensais invendable ne marche super bien?
Voyons voir… Je ne suis jamais trop au courant des ventes. Lorsque je bossais à Deluxe même dans les années 90, c'était plus évident, parce que je pouvais voir les piles de boards diminuer… Et pas mal de planches que j'ai dessiné à l'époque se ont mal vendues… Souvent, c'était bâclé, entièrement fait dans la journée. Mais une planche qui a vendu mieux que prévu… Cette Texas Chain Saw Pig Fucker que j'ai fait pour Real a bien marché, mais ce n'était pas non plus un best-seller…

Et est-ce que tu as déjà réussi à conclure grâce un graphique de board? Ambiance groupie?
[Rires] Non, je n'ai jamais reçu de faveurs sexuelles grace à une très bonne déco de planche… Peut-être que l'ensemble de mon œuvre m'a aidé une fois ou deux, en montrant  l'étendue de mes talents, mais une seule déco, non. Ce n'est pas comme si je me baladais avec mes planches, non plus, pour les montrer à quiconque j'ai envie de mettre dans mon pieu…

Et oui, Stereo de la grande époque, aussi!

Une bonne anecdote de l'époque où tu travaillais avec Will Daniel, chez Deluxe?
Je me rappelle surtout que lui et toi dormiez dans une voiture, devant Deluxe. On commence la journée à 8h00 du matin, chez Deluxe, ce qui est tôt! La plupart des entreprises ne fonctionnent pas comme ça, et n'ouvrent pas à 8h00, ce qui d'ailleurs ne marche pas très bien avec les skateurs! [Rires] Je me rappelle que l'on se garait devant à 8h00 pile, et vous deux descendaient hagards de votre voiture, pour commencer à bosser direct'! C'était assez drôle!

Tu as l'impression que l'industrie du skate est devenue plus ou moins créative au fil des années?
Oh, moins… Parce que, lorsque j'ai commencé, tout était des “One-Off”. Chaque pro board avait sa propre déco, ou alors, c'était une board team. C'est un cycle constant de graphismes, et certains des rideurs disaient exactement ce qu'ils voulaient, et d'autres fois, c'était la marque qui le déterminait. Les choses étaient assez flexibles et ça partait dans tous les sens. Puis les séries sont arrivées, et c'est d'ailleurs en grande partie par Anti Hero. C'est très vite devenu le standard, et ce n'est pas comme si ça ne pouvait pas être créatif, mais tu as besoin d'une très bonne idée de départ. Mais, on dirait que les gens sont à court de bonnes idées, même ceux qui en avaient avant, en tout cas, c'est ce qu'il me semble. Tout tourne plus autour des logos “on va faire le logo en orange, le mettre dans ce coin-là, genre fait à la bombe!” Ils te disent que c'est parce que ça se vend, mais je pense que c'est juste de la feignantise, et que c'est le moins compliqué. Donc, oui, je pense que la créativité a baissée…

Croquis pour une déco Real James Kelch inspiré du caractère explosif du pro…

Il me semble que les artistes illustrant les boards sont beaucoup plus crédité qu'à l'époque des boards sérigraphiées… Est-ce que les créatifs ne définissent pas une marque plus les rideurs, aujourd'hui?
Non, les pros font toujours la marque. Tu as quelques artistes qui sont reconnaissables par leur style, où tu sais au premier coup d'oeil qui a dessiné cette board, comme Evan Hecox, Don Pendleton, Todd Bratrud, mais neuf fois sur dix les gamins achètent une planche pour le nom dessus, que ce soit celui du skateur, ou celui de la marque. Cela peut être pour le dessin, parfois, genre “Je ne sais pas qui a dessiné ça, mais ce hamburger est vraiment incroyable!”, mais pas pour l'artiste impliqué. Même à l'époque, personne ne savait qui faisait quoi, à part Marc McKee, Sean Cliver et Jim Phillips… Mais personne ne rentre dans un shop et achète une board juste parce c'est moi qui l'ai dessinée. Si elle est chouette, et la trouve marrante, peut-être, mais pas sur mon nom!

Si tu étais invité au manoir Playboy pour fesser ta Playmate favorite avec l'une de tes boards, tu amènerais laquelle?
Voyons… Il faudrait une board bien large, déjà… Qu'est-ce qui serait le plus approprié, sinon? Ce serait vraiment drôle si j'amenais une board Element avec une scène très paisible de nature. Ça ferait un bon contraste! Mais, sinon, l'Aigle me paraît le plus judicieux… Parce qu'une Playmate l'aura peut-être déjà croisé, ce qui pourrait me donner une chance, une fois que la fessée sera terminée…

Série "End The Hunt" pour Element

Quelle serait ta Playmate favorite, d'ailleurs?
Burt Reynolds? [Rires] Non… Je devrais essayer de répondre sincèrement. Mais, qui connaît les noms des Playmates, sérieusement?

Benjamin: Pourquoi les pigeons? Pourquoi les skateurs sont obsédés du pigeon, d'ailleurs, à ton avis?
C'est l'oiseau le plus facile à filmer en ville, et je dirais que cela a commencé avec A Visual Sound, où ils avaient toutes ces images esthétisantes d'oiseaux au ralenti… La raison pour laquelle nous avons commencé Anti Hero avec le pigeon, c'est parce les gars voulaient ça. Sean Young et Julien voulaient que le logo soient un pigeon dégueulasse. Quelque chose auquel ils pouvaient s'identifier: un pigeon bien crade du centre-ville. Pour ce qui est des skateurs en général, je crois que même les gamins des banlieues proprettes veulent s'identifier à La Ville, donc peut-être que les pigeons sont un élément facile à trouver même chez eux. Et même s'il a été vite remplacé par l'Aigle pour Anti Hero, et que le temps a passé, j'ai continué à dessiner des pigeons , et ça continue à m'éclater.

Benjamin: Donc, ce n'était pas une obsession personnelle? Tu n'en avais jamais dessiné avant?
Non… La première fois que j'ai dessiné un pigeon, c'était pour Anti Hero, vers 1995…

Il semblerait que la fièvre du pigeon de Todd ne se soit pas calmée depuis, loin de là…
Pour une preview de
Look Away, avant de le trouver dans votre skateshop, c'est par ici.
Et si vous souhaitez poursuivre la conversation entre Todd et Scott, vous pouvez toujours jeter un œil à leur collaboration pour One Dollar Stories, ici.

Et merci à Element pour son support à ce livre et à cet article.

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