Morgan Campbell, en 5!
Noseslide transfer dans le bank à Melbourne. Ph.: Dave Chami
Bonjour Morgan! Premièrement, pourquoi Paris?
Et bien pour commencer, le concept de mon expo "Three Cities" est, comme son nom l'indique, de la mettre en place dans trois villes. En ce qui concerne Melbourne (la première date), il se trouve juste que c'est une ville fantastique, d'une part et, d'autre part, et bien, c'est là où j'habite. Glasgow (la deuxième date), c'est une ville rayonnante d'un point de vue architectural et culturel, et là-bas aussi, j'y ai habité. Enfin, quant à cette troisième date que celle de Paris, il se trouve que je me dois d'y être pour une réunion de famille (les quatre-vingts ans de mon beau-père) et du coup, je me suis dit qu'en profiter pour trouver le moyen d'y faire une expo, tant qu'à y être, ce serait un défi amusant à relever.
"Les numéros plus vieux (datant d'avant 1978) fonctionnent mieux avec la colle, aussi, à cause du papier mat..."
Il s'agit-là d'une raison, mais il y en a d'autres: Paris est un véritable joyau urbain ornant cette planète et, de ce fait, l'environnement et le contexte général de n'importe quel évènement s'y déroulant revêt immédiatement un caractère incroyable. Aussi, j'ai quelques origines françaises, mon père biologique vient d'ici et, bien que je n'aie pas grand chose à voir avec lui, je suis très proche de beaucoup de membres de ma famille ici; en somme, je ressens une connexion très forte avec ce pays qu'est la France, donc y organiser quelque chose en rapport avec mon art tombait sous le sens, finalement. J'ai toujours adoré Paris et, qui sait, un jour, peut-être y habiterai-je.
"Paris Block Party", collage par Morgan Campbell / Déjà Glu.
Concernant la manière dont l'expo s'est mise en place, j'ai un ami très cher ici, vous en avez peut-être déjà entendu parler : il s'agit du seul et unique Soy Panday. Evidemment, je savais qu'il était un artiste accompli et d'ailleurs, j'adore son travail, vraiment. Je lui ai demandé s'il connaissait un endroit où je pourrais éventuellement exposer lors de mon passage, donc, et il m'a radieusement tricoloré un spot : la Galerie Delicatessen, dans le onzième. J'ai rencontré le propriétaire l'autre jour, et on s'est vraiment bien entendus: Arnaud déborde d'énergie créative, j'ai vraiment hâte de travailler avec lui.
Où déniches-tu tous ces vieux numéros de National Geographic, dont tu réutilises l'imagerie dans tes collages?
As-tu déjà collectionné des vinyles? La plupart du temps, on déniche facilement des vieux National Geographic aux mêmes endroits où on trouve des vieux vinyles. Les boutiques d'occasion, les marchés aux puces, les vide-greniers, Emmaüs... Mon ami AJ m'a fait découvrir ce spot, MRC Stamps, à Moonee Ponds (à Melbourne), et c'est là où j'ai acheté le plus gros de ma collection.
Morgan en studio. Ph.: Casey Foley
Ceci dit, c'est très facile de dénicher des numéros dont je n'ai, en fait, pas besoin - je n'utilise que des numéros datant d'avant décembre 1989. Or, la plupart du temps, on tombe principalement sur des numéros datant des années 1990 ou 2000, c'est très frustrant.
Actuellement, j'ai tous les numéros sortis dans les années 80, ainsi que la plupart de ceux des années 70; c'est donc principalement les numéros sortis dans les années 50 et 60 que je recherche dorénavant, ainsi que tous ceux encore plus anciens, évidemment. Le monde avait l'air vraiment incroyable dans les années 60, ainsi que ses couleurs, telles que représentées dans la reproduction des photos. Les numéros plus vieux (datant d'avant 1978) fonctionnent mieux avec la colle, aussi, à cause du papier mat que National Geographic utilisait alors...
Collages originaux et guest artist boards correspondantes, tels que vu au "Three Cities" show à Melbourne.
Où les stockes-tu tous, et où préfères-tu travailler sur tes collages?
Je les stocke tous dans mon studio, qui se trouve au sein de ma maison à Fitzroy, Melbourne. Avant, j'avais trop de mags de skate; maintenant, je croule sous les mags en général. Ca fait même un bail que ma pile de National Geographic déborde par dessus ma collection de Slap Mags.
J'aime bien travailler sur mes collages au fil de mes voyages mais, en ce moment, avec tous mes dossiers, tout mon matériel et tous mes magazines (plus de cinq cents), je suis plus efficace dans mon studio. Une fois, j'ai réalisé un collage à Bali qui se trouve aujourd'hui dans la collection de ma mère: il s'appelle "Meanwhile in Atlantis" et j'avoue qu'il se distingue du lot à mes yeux parce qu'il a été fait dans un endroit différent, justement.
Lors de mes voyages, j'ai plutôt recours à un format de collage différent, ayant pour base un carnet de bord au sein duquel je ne m'autorise pas à écrire, c'est plutôt un journal d'images consistant exclusivement en une collection de collages d'objets trouvés, de cartes, de coupures de journaux, de flyers... Un travail dominant tout mon temps libre lors de mes déplacements, et caractérisant une façon fantastique de capturer à la fois la candeur de ces moments, et les tendances visuelles des époques auxquelles ils correspondent.
"J'étais super nerveux, on était plus ou moins en train de poser un lapin à Jamie Thomas"
Nosebluntslide en 1992. Ph.: Rick Curran
"J'ai fait semblant de partir mais en fait, je me suis caché dans un couloir, et je l'ai observé"
Bon, je me suis clairement égaré une minute ou deux, là... Pour répondre à la question, je ne suis pas sûr d'avoir un jour un nouveau trick dans une vidéo Zero étant donné qu'au début de l'année 2000, je me suis fait mal plusieurs fois sur des rails et, depuis, je skate des spots plus petits, avec moins d'impact. Aujourd'hui, s'il est question de skater un spot plus grand que moi, il y a de fortes chances pour que ce soit un plan incliné plutôt qu'un gap. Afin de continuer à progresser en skate (ou à skater, tout court...), il faut être à l'écoute de son corps, et s'adapter à ses exigences. J'apprends encore, et toujours, mais je me dois d'être malin dans le choix des obstacles que je skate, sinon tout pourrait se terminer en une seule slam.
J'adore l'état actuel du skate car à notre époque, tout compte et, en même temps, tout progresse et ce, dans toutes les directions. Chaque jour, je vois des tricks et des lines dont on n'aurait jamais osé ne serait-ce que rêver, dans ma jeunesse.
"Membrane of the Seine", collage par Morgan Campbell / Déjà Glu.
Quand (numéro deux!) peut-on s'attendre à revoir un de tes collages sur une guest board?
Je bosse sur plusieurs collab', en ce moment... Mais je les garde secrètes pour l'instant. D'autres se manifesteront sûrement au cours de l'année... Cette expo à Paris sera ma troisième expo en solo de l'année et, pour l'an prochain, je suis partant pour de nouvelles collaborations et de nouveaux projets à plus petite échelle, qui seront moins laborieux à mettre en place et, sûrement, très amusants.
"Fred Gall - j'ai skaté Perth avec lui en 1996, et il m'a ouvert les yeux sur le potentiel de ma propre ville"
Qui sont cinq skaters et cinq artistes qui t'ont marqué, personnellement - célèbres ou non?
En skaters:
Mark Gonzales - le génie expérimental le plus dingue que le monde aie connu.
Mike Carroll - j'adore sa prestance et sa finesse.
Fred Gall - j'ai skaté Perth avec lui en 1996, et il m'a ouvert les yeux sur le potentiel de ma propre ville.
Alex Campbell - la puissance, le style et la vitesse, réunis en une seule personne.
Mike Arnold - un innovateur dont on entendra clairement beaucoup parler au cours des prochaines années
En artistes:
Henri Cartier Bresson - ma référence en photo.
Keith Haring - ma référence en peinture murale.
Spike Jonze - ma référence en multimedia.
Grace Jones - ma référence sur scène.
Keith McIvor (JD Twitch, d'Optimo) - ma référence musicale.
Panorama de l'expo "Three Cities" à Melbourne. Ph.: Nick Maughan
Enfin, quelle serait l'interprétation que tu pourrais faire de ton propre art?
Et bien, le skate a été mon premier ticket pour la liberté; ceci dit, du fait des limites du corps humain, j'ai toujours été conscient que je ne pourrais pas en faire continuellement, toute ma vie. Du coup, j'ai toujours été à la recherche d'un exutoire alternatif, une autre activité qui se trouverait, elle aussi, parfaitement réunir l'esprit et le corps. J'ai pensé à la musique mais, au jour aujourd'hui, je suis incapable de jouer d'un quelconque instrument... La découverte du collage s'est finalement imposée comme une révélation.
"C'est souvent bénéfique que de dégager [...] tous ces quadrillages, afin de mieux danser avec une toile vierge - ne serait-ce qu'un instant"
C'est une activité créative, mais également un moyen d'autoriser son esprit à vagabonder, s'égarer. Tu vois ce qui arrive parfois, quand on essaie un trick en skate, et qu'une fraction du temps disparaît - d'un coup, tu essaies ton trick, et à peine un clin d'oeil plus tard, tu l'as rentré et tu le réalises seulement au moment où tu replaques? La même chose m'arrive presque chaque nuit, alors que je travaille sur mes collages jusqu'au petit matin. Et quelques heures plus tard, lorsque je me réveille, je suis excité à l'idée de découvrir ce que les petits elfes dans ma tête ont façonné comme pendant mon sommeil car, réellement, je ne me souviens de ce que j'ai pu créer dans la nuit que très rarement.
L'inconscient est constamment désireux de regagner du terrain, de reprendre le dessus. C'est exactement ce qu'il entreprend dès qu'on se repose, d'ailleurs; mais ce n'est pas tout le monde qui s'autorise ce genre de liberté alors qu'en plein éveil. J'ai le sentiment que nos vies baignent un peu trop dans la structure, en général; du coup, c'est souvent bénéfique que de dégager toutes ces lignes, tous ces quadrillages, afin de mieux danser avec une toile vierge - ne serait-ce qu'un instant.
Merci, Morgan!
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Retrouvez le bonhomme ce jeudi 2 novembre à Paris à la Delicatessen Galerie, à l'occasion de la troisième date de son expo Three Cities, donc...