Meeting… Michal Juras!
Interview: Mateusz Matczak
Photos: Jakub Baczkowski
“[…] J’essaie de ne pas penser au skate pour ne pas être triste.”
J’ai découvert à quel point le skate de Michal pouvait être brut de brut, l’année dernière, via une part labellisée R5, ce qui me semblait être une marque de vêtement issue de sa Pologne… Lorsque la vidéo Grey Area est sortie quelques mois plus tard, l’ensemble du projet n’était qu’une longue preuve de ma première impression sur le bonhomme, puisqu’il place des tricks dans toutes les parts, avant de conclure le tout avec la sienne. Je suis donc très content de présenter, demain, sa part sur Live en exclusivité, et j’en ai profité pour essayer de connaître un peu mieux Monsieur Juras, et de partager tout ça avec vous. On va même découvrir ce que peut bien être R5!
Benjamin Deberdt
On va commencer par ta connexion avec Pontus, ça s’est fait comment?
Mon expérience avec Pontus, via Kuba [Jakub Kaczmarczyk, NDLR], lorsqu’il a décidé que pour notre premier trip Nike SB, on irait à Malmo, principalement parce que Pontus avait fait la promo de ses spots dans ses films et nous avait montré qu’il se passait plein de choses là-bas. Il connaissait Pontus, déjà, qui avait déjà visité la Pologne des années auparavant, lorsqu’il filmait pour Strongest of the Strange. Il était allé visiter Pontus ensuite, donc ils étaient en contact. J’ai donc rencontré Pontus lorsque nous sommes arrivés à Malmo, à l’inauguration du park de Sibbarp. Kuba m’a juste présenté. Plus tard, on a skaté ensemble TBS deux ou trois fois, mais sans vraiment se connaître plus que ça, surtout parce que j’étais encore timide. Plus tard, Pontus est revenu à Varsovie pour filmer pour son film suivant, In Search of the Miraculous.
Dans lequel tu as une part… Comment c’est arrivé?
Pontus est venu en Pologne dans l’idée de se filmer, lui, ainsi que Johan. On leur a fait faire le tour de nos spots, et j’ai réussi à filmer quelques tricks, moi-même. Pontus habitait chez Kuba, qui lui a montré ses images pour Grey Area. Je crois que c’était… Je ne sais plus, il y a quatre ans ? [Rires] Pontus a eu l’idée de me faire filmer une part complète. J’ai réussi à filmer un peu avec lui à Varsovie, et il m’a invité à venir une semaine à Malmo. En fait, Grey Area a été repoussée, et on a fait de filmer pour In Search… une priorité!
Frontside nosegrind up.
À l’époque, tu skatais pour 5Boro, et tu as laissé tomber ce plan. Il semble que c’était pour le mieux, non?
Exact. Après In Search…, j’avais une bonne relation avec Pontus, il a mentionné vouloir lancer sa propre marque, et m’a dit qu’il me verrait bien en faire partie. Quand Polar a commencé, j’ai commencé à recevoir des mails me disant que ce serait chouette que je les rejoigne. J’y ai réfléchi un bout de temps, puis je me suis décidé dans ce sens, même si ce n’était pas facile, parce que je ne voulais mettre fin à ma longue relation avec 5Boro, même si ce n’était que par la distribution polonaise. J’allais les visiter à New York de temps en temps, mais la distance entre la Pologne et les U.S. était trop énorme pour prendre un vol et aller skater avec eux, et filmer pour leur vidéo. Pontus n’est qu’à une heure d’avion, donc il peut venir me voir, je peux aller le visiter : c’est tout simplement une meilleure connexion.
Quelle réaction tu as eue lorsque tu as entendu que tu allais avoir ta board?
Quand j’ai entendu parler d’un promodel, j’ai demandé à Pontus s’il était sûr que ce soit une bonne idée ! Mais j’ai vraiment confiance en lui, c’est un skateur expérimenté et je sais qu’il sait ce qu’il fait. C’est le patron de Polar, et je voulais que ce soit lui qui décide de quand serait le bon moment pour moi. J’ai juste skaté et fait ce que j’avais à faire.
Tu corresponds parfaitement à l’ambiance de la Grey Area, et celle de Polar, et je me demandais quelles étaient tes inspirations ? Ça paraît assez évident que tu n’es pas un grand fan de places de marbre bien aérées, mais préfère des spots plus engagés, on va dire…
Je ne sais pas, c’est comme ça, sûrement suite à différentes influences. Je ne pourrais pas pointer une seule personne. De regarder d’autres gens skater, d’autres styles, mais aussi d’avoir été sur quelques trips 5Boro, d’avoir skaté avec Pontus et Kuba, de regarder les vidéos Traffic ou Static, tout ça a inspiré à skater des spots plutôt rudes. Par exemple, j’en retire un sentiment de satisfaction quand je trouve un spot, et que j’y retourne pour voir si je peux ou ne peux pas y faire un trick. Parfois, ça peut sembler facile et ne pas l’être au final, mais j’arrive tout de même à y filmer quelque chose.
Frontside boardslide.
Parle-moi de Rocky, que l’on voit dans Grey Area, et de ton surnom de “Boucher”?
“Boucher” et Rocky sont deux choses distinctes. “Boucher”, pour ce que j’en ai entendu, c’est parce que les gens pensent que quand je vais skater quelque part, je ne fais pas semblant. [Rires] Je ne sais pas si c’est vrai, je répète juste ce que l’on m’a dit. Et pour Rocky, c’est mon film favori. Ma mère me l’avait montré, il y a très longtemps, et je ne m’en suis jamais lassé. Il y a des moments inspirants dans son histoire, que j’aime bien voir. J’aime la persévérance montrée dans le film. Tu peux appliquer ça à essayer un trick, ça peut être un combat comme le sien!
On peut dire que tout a commencé avec la Grey Area, pour toi, que tu domines en ayant des tricks dans chaque part. Ça doit avoir à faire avec le fait que Kuba et toi avez filmé pendant cinq ans. Tu as un souvenir particulier de cette période?
Ça a été une expérience incroyable. J’aime beaucoup filmer avec Kuba, parce qu’il est bon caméraman, et je n’ai jamais à me soucier de comment mon trick sera filmé. Il connaît son boulot, sait exactement quoi faire, tu n’as rien à redire, et pour moi, c’est un gros avantage. Je n’ai pas à me contrer sur le caméraman, et me demander s’il est prêt ou quoi que ce soit. Sinon, on avait autant d’images parce que l’on a beaucoup voyagé, on s’est mis pas mal de missions. [Rires] Pas par obligation, mais on voulait juste faire certaines choses, et j’ai fait tout ce que je pouvais pour y arriver, parce que je n’aime pas renoncer. Parfois, on est retourné trois ou quatre fois sur un spot, pour arriver à ce que l’on voulait. Je ne me rappelle pas d’un en particulier, mais maintenant que j’y pense… Des tricks dont je me rappelle vraiment, et qui m’ont pris du temps, sont le flip de la fin depuis le tuyeau en Israël, et le ollie sur le bump to bar pl. Konstytucji à Varsovie.
L’un des buts de la vidéo était de montrer des spots polonais, de prouver qu’il n’était pas nécessaire d’aller très loin, mais vous avez aussi voyagé. Vous êtes allé où, et quel en est ton meilleur souvenir?
Lorsque l’on partait, j’essayais d’utiliser mon temps au mieux. Pour me sentir comblé, d’avoir fait tout ce que je pouvais durant ce voyage, de n’avoir pas chipoté. Ce n’est pas une obligation, mais je suis vraiment impliqué et si j’ai l’opportunité d’être là, de voir les choses que j’ai toujours voulu skater, je vais faire tout ce que je peux dessus, parce que c’est ce que je suis supposé faire. Pour ce qui est de mon meilleur souvenir, je dirais mes séjours à Malmo : les meilleurs spots, une super ambiance, une petite ville où tout est proche, spot après spot, tu n’as jamais besoin de conduire beaucoup, ni rien. Je suis aussi allé au Maroc, en Israël et en Slovénie, et bien sûr on a beaucoup skaté en Pologne.
Ollie.
En parlant de la Pologne, tu apparais souvent dans les montages R5, tu peux nous dire ce que c’est?
C’est un crew, dont je fais partie depuis des années maintenant, de mon coin, mon quartier, là où je vis et où j’ai commencé à skater. C’est un groupe assez flou, pas une marque ou une compagnie. Et le nom vient de la Seconde Guerre Mondiale, quand Varsovie était divisée en zones. La nôtre, c’était la Région 5 [(Rejon 5), R5. Mon frère et ses amis du coin sont derrière tout le projet.
On va bien devoir finir par aborder ta blessure, qui est la pire que tu n’as jamais eu. Tu as un gros passé, à ce niveau-là?
Quand j’avais 10 ou 11 ans, je me suis cassé les deux jambes en snowboard ! [Rires] En skate, je me suis déchiré l’aine, et je me suis pris sept points de suture aussi. J’ai aussi passé un mauvais moment [Rires] quand je me suis ouvert les couilles en essayant un crooked sur un cinq marches. Et là, cela fait huit mois que j’ai été opéré. C’est arrivé durant la jam Polar à New York, sur le spot du BQM où l’on a construit deux plans inclinés avec un ledge au milieu. On s’amusait bien, et Fred Gall a décidé de dropper d’un camion. Il n’a pas réussi à le faire, et là Pontus et les autres m’ont dit que je pourrais le faire en ollie, du camion au plan incliné. Je n’étais pas convaincu, parce que pleins de gens regardaient et que je pensais que ce serait un coup de frime inutile, mais j’ai fini par me dire que ce serait marrant, donc pourquoi pas, et je suis monté là-haut. Et au quatrième essai, j’ai malheureusement replaqué bizarrement, c’est-à-dire avec la jambe droite. Je me suis déchiré presque tous les ligaments du genou, et j’ai dû me faire recoudre les deux ménisques. En gros, mon genou a explosé. Je ne m’en suis pas rendu compte de suite. Je croyais m’être tordu la jambe et que ça partirait en six jours. Mais, quand je suis rentré en Pologne, je suis allé faire un IRM. Mon docteur l’a regardé et m’a expliqué ce qu’il en était. J’ai failli me trouver mal, tellement j’ai eu peur d’être handicapé toute ma vie, de ne pas pouvoir soigner tout ça. Là, j’ai huit mois de rééducation bien dure derrière moi, et l’on va voir ce que le futur apporte.
Comment tu gères de ne pas pouvoir faire un truc que tu as pratiqué quasiment tous les jours depuis douze ans?
Je fais toutes les choses pour lesquelles je n’avais jamais le temps entre le skate, les voyages et toutes ces choses. Je passe beaucoup de temps avec mes amis, je travaille dans la boîte de mon frère, j’ai de la rééducation quatre fois par semaine, et j’essaie de ne pas penser au skate pour ne pas être triste. Mon docteur m’a récemment autorisé à reprendre le vélo, ça m’a fait super plaisir. Je me balade en ville et je cherche des spots. Mais j’ai l’impression d’être la copine de mes potes skateurs, à chaque fois que l’un me dit qu’il va skater et que je ne peux pas les suivre. Je dirais que c’est ça le plus dur : cette impression d’être une meuf, mais bon… J’espère que ça changera bientôt!
Voici donc la part de Michal tirée de Grey Area, la vidéo indépendante polonaise à ne pas râter, avec en bonus, ce fameux montage R5 qui nous l’aura fait repérer: