Les dignes représentants modernes d'une si riche scène skate anglaise, Isle Skateboards, enjolivés par la touche poétique du réalisateur Jacob Harris aux commandes de la vidéo et par les talents d'un peu tout le monde au sein du crew, mais notamment de Nick Jensen (légende stylistique de longue date, historiquement popularisé via les premières vidéos Blueprint et Lakai mais également ouverts aux projets indépendants, tels que "SCRUM TILLY LUSH" de
Phil Evans), sont de retour avec une collaboration toute neuve, avec Nike SB.
Le clip en résultant, comme de rigueur, est signé par ledit Jake Harris (dont on vous rappelera en passant les full-lengths "ELEVENTH HOUR" et "VASE", en plus des productions Atlantic Drift) et, situation de confinement ou non, rien que cela mérite une attention toute particulière. LIVE s'est donc tout naturellement rapproché de Nick Jensen, histoire d'en savoir plus sur toute cette actualité !
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LIVE Skateboard Media : OK, Nick, c'est parti ! Bon, dans quel contexte te trouves-tu dans ce contexte d'isolation - à l'abri chez toi, j'espère ?
Nick Jensen : Salut Benjamin, oui, je suis les recommandations du gouvernement, je reste enfermé.
LSM : Peux-tu nous décrire ta routine quotidienne, ces temps-ci, et ce que tu peux bien voir depuis ta fenêtre ?...
Nick : Ma routine n'est pas très excitante. J'ai un petit garçon, âgé de deux ans et demi. Ma femme et moi nous levons le matin, on l'emmène faire une balade, et puis on rentre et on s'adonne à des activités créatives.
Il a fait anormalement beau et chaud la semaine dernière, donc j'ai sorti la piscine de jardin et on a fait un barbecue. J'essaie juste de divertir Gene, en fait.
Depuis ma fenêtre, il n y a rien à voir, rien qui se passe. C'est plus ou moins représentatif de tout Londres, en ce moment.
"Le cyanotype est un ancien procédé
photo qui consiste à imprégner
le papier de produits chimiques
sensibles à la lumière, pour ensuite
l'exposer au soleil"
LSM : Comment as-tu découvert le cyanotype ?
Nick : Je me souviens d'un ami qui était en train d'en réaliser un qui était beau, il y a longtemps, et ça m'a donné envie d'essayer.
J'ai commencé à expérimenter pas mal avec le procédé au moment de la naissance de Gene. C'était l'été, je restais beaucoup chez moi, donc je produisais ces pièces abstraites. Quand on arrive à obtenir un résultat net, c'est vraiment satisfaisant.
Ph.: Benjamin Deberdt
LSM : Peux-tu expliquer le principe du procédé, et en quoi il ne s'agit pas d'un bête filtre sur un logiciel ?
Nick : Le cyanotype est un ancien procédé photographique qui consiste à imprégner le papier de produits chimiques sensibles à la lumière, pour ensuite l'exposer au soleil.
Il y a toute une variété de marches à suivre pour obtenir une image à partir de cette technique. Tu peux utiliser un pochoir, ou une image en noir et blanc imprimée sur du papier transparent.
Le pochoir ou le motif peut ensuite être appliqué au papier photosensible et exposé à la lumière du soleil. Après de deux à cinq minutes d'exposition, tu retires le motif, et tu laves le papier dans un petit bain.
L'eau du bain réagit avec le papier, le colorant d'une jolie teinte cyan, et en laissant apparaître la trace du motif que tu avais superposé pendant l'exposition, en blanc.
"Plus on joue
avec ces idées, plus j'ai
envie de les approfondir
de multiples façons"
LSM : Du coup, ça fonctionne bien avec la logique selon laquelle vous développez Isle depuis le début, n'est-ce pas ? Celle qui veut que chaque graphique Isle soit, avant tout, un objet physique.
Nick : Oui, je pense que tu as raison.
Je n'arrête pas d'être moi-même surpris par à quel point nos idées se retranscrivent dans les procédés même qu'on emploie. On fait particulièrement attention à mettre en avant l'aspect physique des choses. Je veux que les planches soient de vraies photos d'installations mises en place ; ça me semble aller de pair avec le skate en soi.
Plus on joue avec ces idées, plus j'ai envie de les approfondir de multiples façons.
LSM : Isle a une image qui lui est très propre et différente de ce qui se fait ailleurs, à quel point est-ce la résultante d'un effort en tant que collectif ? Par exemple, pour cette chaussure, vous vous êtes concertés autour d'une idée spécifique ?
Nick : Pour cette chaussure, Chris Jones, Casper Brooker et moi avons sérieusement délibéré au sujet de son développement, et on a fait ça ensemble.
J'ai amené l'idée initiale du patch (en vérité, c'était une idée de mon pote de studio : Tom Howse), et je l'ai présentée à Chris et Casper et ils ont adoré l'idée.
Ensuite, on a passé environ un mois à s'envoyer des idées de concept pour l'image, avant de se décider pour cet oeil.
LSM : Une nouvelle fois, Jacob semble décidé à entreprendre un pas en avant dans la démarche de son travail, et y parvient d'ailleurs avec ce projet. Ce qui semble vrai pour un peu tout le monde, chez Isle : chacun développe son propre personnage, au rythme de chaque projet de groupe. Tu vois ça comme un effort conscient, ou c'est plutôt la résultante d'avoir rassemblé les bonnes personnes entre elles ?
Nick : Bonne question - certainement un peu des deux. On accepte tout le monde et on est partant pour toutes sortes d'idées.
Heureusement, on a une équipe forte d'idées intéressantes et de visions très personnelles.
Cette question me donne envie de Whatsapper tout le crew pour prendre des nouvelles, et se lancer dans quelque chose de complètement différent encore.
Je sais que Mike Arnold est sur quelque chose de chouette comme projet, en ce moment, mais je ne peux pas en dire plus. Et Sylvain surfe en Australie depuis trois mois, donc peut-être que je devrais lui faire un graphique de surf ?
"Une autre anecdote avec
Tom Penny, c'est qu'il a
failli faire 540 sur les marches
avec les cheveux
teints en bleu"
LSM : Je suis sûr que tu as maudit les conditions hivernales de Londres tout au long du filming de ce projet, non ? En ce moment, être dehors avec les gars, ça te manque ?
Nick : Tout cela me rend nostalgique des sessions à South Bank en début d'après-midi, en fait. Ca me fait penser à combien d'amis incroyables j'ai, et j'ai vraiment hâte que tout ça se termine...
Backside tailslide. Ph.: Sam Ashley
LSM : Toi, ça fait combien de temps que tu skates South Bank, maintenant ?
Nick : Je dirais bien vingt ans.
LSM : Tu saurais nous raconter ton trick préféré là-bas, qui t'a été donné de voir au fil de toutes ces années ?
Nick : Tom Penny s'est pointé un jour, j'avais genre seize ans - il a fait un switch frontside shove-it à Mach 10 sur les marches et c'était juste dingue.
LSM : Et pour finir, saurais-tu nous partager quelques tricks "historiques" qui auraient été rentrés à ce spot, que tu n'as pas forcément vu mais qui ont contribué à son histoire, selon toi ?
Nick : Quelques-uns, oui, il y en a pas mal à vrai dire. Certains étaient probablement de simples rumeurs, mais une autre anecdote avec Tom Penny, c'est qu'il a failli faire 540 sur les marches avec les cheveux teints en bleu [rires], je ne plaisante même pas.
Tout cet univers devrait toujours être là à nous attendre, une fois cet orage passé…
LSM : D'ailleurs, la réouverture de la partie préalablement clôturée du spot en a changé la dynamique, peut-être ?
Nick : Oui, ça, ça a été positif. Maintenant, tu as beaucoup plus de place, plus d'envergure à disposition ; avant, c'était trop claustrophobique.