PREMIERE / "Blunt x TACo." / Alfredo Franco / INTERVIEW
Ollie one-foot. Ph.: Miky Crash
LIVE Skateboard Media : Hello Alfredo et bravo pour cette part unique, saurais-tu te présenter? D'où proviens-tu plus précisément, au Mexique ?
Alfredo Franco : Salut, merci, c'est cool si elle t'a plu.
Mon nom est Alfredo Franco mais la plupart des gens m'appellent “Blunt”.
Je suis né à Mazatlán, Sinaloa sur l'Océan Pacifique - j'y retourne encore souvent mais, la plupart du temps, vous me trouverez plutôt à Culiacán ou à México City.
Slappy pivot grind. Ph.: Alonso Leal
LSM : La première fois que tu as vu du skate, où et quand était-ce ? Comment as-tu commencé exactement, quelle époque et quelles ont été tes premières expériences - le matos, les spots, les crews, le public, la police ? Je suis curieux d'à quoi pouvait bien ressembler le skate au Mexique dans les années quatre-vingt. Quelle était l'allure de la scène, à quel point votre accès aux médias et vidéos U.S. était-il facile ? Certaines influences de la première heure à mentionner, peut-être ?
AF : Le premier type que j'ai vu avec un skateboard, c'était mon cousin Pepe : il avait habité à San Diego en Californie dans les années soixante-dix et puis il est revenu habiter à México avec un skate qui brillait et qui a attiré mon attention.
J'ai eu ma première board autour de 1985, j'avais alors dix ans - entretemps, le skate était déjà devenu assez populaire à Mazatlán, au point où si tu n'en faisais pas, tu étais sûrement un geek ! Certains construisaient des half-pipes dans leurs jardins ou ramenaient des launch ramps sur les parcs et dans la rue, exactement comme on avait tous pu voir dans "THE SEARCH FOR ANIMAL CHIN" (1987) - c'était la vidéo qui avait atteint Mazatlán, à l'époque, et faisait halluciner tout le monde.
Les vidéos étaient difficiles à trouver mais, de temps en temps, il y avait toujours ce pote qui réussissait à en dégoter une nouvelle.
Frontside air. Ph.: Miky Crash
J'ai très vite commencé à skater avec le crew des skateurs de la ville, ils m'ont fortement influencé mais pas que moi, cela vaut aussi pour tous les skateurs ayant côtoyé ces types : Fernando Aguinaco, Gabriel Gallardo, Nacho Osuna, Gerardo Rosado, Roberto Clemens. Ces kids avec une attitude punk rock étaient plus ou moins les gars à suivre si ton but était de faire du skate - certains allaient aux U.S.A. sur les summer skate camps, d'autres encore étaient juste tout simplement mordus du truc.
On en est arrivés à un stade où, simultanément, dans la même ville et dans les années quatre-vingt, on avait trois skateparks et donc, oui - le skate était assez gros à l'époque à Mazatlán, mais ça n'a hélas pas duré.
Mon influence première et depuis le début a toujours été Mark “Gonzo” Gonzales.
"La vie, c'est
comme un downhill:
tu dois être prêt
au bon moment et
se faire mal,
c'est facile"
LSM : Et donc à partir de là, où est-ce que la vie t'a emmené ? Quels cheminements le skate t'a-t-il conduit à prendre, quelles pistes à explorer et quelles sont les leçons que tu en as retenu ? A quel point as-tu pu voyager et si, maintenant, tu devais faire un point d'où tu te places présentement, quel serait-il ? Quelle est la source de ton dynamisme ?
AF : A partir de là, j'ai juste vécu avec le mot d'ordre de skater le plus possible.
Via le skate, j'ai appris beaucoup sur la vie. J'ai appris que la vie, c'est comme un downhill : tu dois être prêt pour ta manoeuvre au bon moment, et se faire mal en tombant, c'est facile.
Enfant, j'allais beaucoup à Tijuana avec ma famille et de temps en temps, de là, je filais en Californie pour skater avec mon pote Pablo. J'ai toujours essayé de voyager le plus possible. Fort heureusement, j'y suis parvenu : j'ai vécu la plupart de mon existence à México City, mais je suis toujours à bouger, à aller sur des contests ou juste visiter de nouvelles villes. J'ai eu la chance de vivre à Barcelone en 2003, 2005 et 2008 - à mes yeux la meilleure époque de l'endroit. Malmö, Barcelone et San Francisco sont mes villes favorites, ces destinations respirent le skate.
"Tout cela a changé
parce que maintenant,
nous sommes si nombreux
qu'impossibles à
arrêter"
Sans ces voyages, je ne serais jamais devenu qui je suis maintenant, et je suis certain qu'ils ont aidé ma progression en skate aussi mais, surtout, j'ai kiffé le voyage.
Frontside wallride. Ph.: Eduardo Velarde
Quant à la source de mon dynamisme - pour sûr, ma famille, je suis très proche de mes parents.
LSM : Au fil des générations, tu as du voir un paquet de modes défiler, dans le skate, sans forcément critiquer ce phénomène. Mais qu'en penses-tu, es-tu du genre à trouver ça intrigant ? Dirais-tu que le superficiel est davantage toléré maintenant ou, finalement, a-t-il toujours existé, juste sous différentes formes ? Historiquement, à quel point dirais-tu que la scène skate du Mexique a été impactée par la culture U.S., et où en placerais-tu les côtés authentiques ? Personnellement, quel est ton rapport avec les médias de skate - regardes-tu toujours beaucoup de vidéos, ou préfères-tu juste skater ?
AF : C'est clair que j'ai vu pratiquement toutes les facettes du skate au fil du temps, ça a été bien drôle, d'ailleurs. Je pense que les modes sont faites pour passer, c'est aussi elles qui façonnent le skate. Voir toutes ces tendances et tous ces styles différents, moi, ça m'éclate, au sein de la même pratique centrale. J'aime chaque petit aspect du skate.
Il y a plus de tolérance en général, je dirais - à la fin des années quatre-vingt-dix, début deux mille, on était toujours traités comme des déchets parce qu'on faisait du skate - par la police mais aussi par les passants, tout le monde nous détestait. Tout cela a changé car maintenant, nous sommes si nombreux qu'impossible à arrêter.
"Je juge aux contests,
skate les demos,
filme des skateurs,
écrit des articles,
monte des vidéos,
donne des cours"
Le skate au Mexique a été influencé par les U.S. au même titre que le reste du monde, et c'est avec le temps qu'il s'est trouvé son authenticité, différemment, selon les différentes régions du pays. Chaque ville a son histoire bien spécifique, et il y en a tant.
Dans certaines locales telles que Guadalajara, l'élan D.I.Y. s'est particulièrement développé ; les gens construisent beaucoup, partout dans la ville.
Ph.: Alonso Leal
Je m'estime impliqué dans les médias skate locaux : je participe et juge aux contests, je skate les démos, je filme des skateurs, j'écris des articles, je monte des vidéos, je donne des cours... J'essaie d'être toujours en train de faire quelque chose ayant trait au skate. Et oui, je dévore toujours tout ce qui est vidéos, magazines, fanzines - je suis un vrai skate nerd.
LSM : Du coup, oui, quid de ton activité actuelle ? A quoi ressemble ta scène en ce moment, bosses-tu sur certains projets et voudrais-tu nous toucher deux mots à propos de Tablas Asombrosas, marque qui vient de t'octroyer un modèle de planche ? Par ailleurs, y a-t-il d'autres initiatives, artistes ou crews locaux que tu souhaiterais évoquer ?
AF : En temps normal, j'habite à México City mais, depuis le début de la pandémie, j'ai rejoint ma famille à Culiacán et puis on va beaucoup à Mazatlán - c'est à deux heures de route. Je m'y plais vraiment avec ma mère, mon père, les chiens, et puis j'ai une soeur qui a deux beaux enfants et eux nous rejoignent régulièrement, donc en ce moment je profite principalement de ma famille.
Je planche sur plusieurs projets vidéo en cours de montage, j'avais un peu mis ça en pause le temps de boucler cette part, justement. Mais du coup, je vais pouvoir les sortir, prochainement : les deux premiers sont, respectivement, un montage au Shore Skatepark (Nayarit), et un autre filmé à Culiacán et à Mazatlán pendant la pandémie. Je suis toujours dispersé entre mille projets dont la réalisation est vouée à prendre le temps qu'il faut ; zéro pression.
"J'ai passé
en tout cinq ans
à accumuler des
images"
Tablas Asombrosas Co. (TACo.) me dépanne des boards depuis quelques années déjà, c'est mon pote Benny Santa Cruz qui gère ça et qui s'en sort vraiment bien, tout comme sur un skate d'ailleurs.
Boardslide to 50-50. Ph.: Miky Crash
Il y a une explosion des marques de skate au Mexique aujourd'hui - comme Tablas Asombrosas mais aussi Mayas, Beat, Gremio, Deza, Casta, Unsponsored, Lúdica, juste pour en citer quelques-unes - et ce qui m'excite le plus, c'est que je suis sûr que toutes sont actuellement en train de plancher sur des projets intéressants.
LSM : Maintenant qu'on t'a vu skater, pourrais-tu nous conter l'histoire de cette nouvelle part et de sa réalisation ? Combien de temps as-tu bossé dessus, quel message particulier lui attribues-tu (certains clips ont peut-être un sens particulier pour toi) et où exactement as-tu filmé ? Chaque spot est fort de son propre attrait, et tous semblent être plus ou moins excentrés... Tu es du genre à t'imposer des missions ? De quel aspect du produit final es-tu le plus satisfait, en fin de compte ?
AF : Et bien, comme la plupart d'entre nous, je suis toujours en train de filmer une part, et celle-ci je l'ai entamée juste après la fin du filming de ma part dans "VÓRTICE", une vidéo complète Nike SB Mexique qu'on a achevé fin 2017 - même si elle n'est sortie qu'en mars 2019, sur TransWorld SKATEboarding.
Ph: Alonso Leal
Cette nouvelle part est principalement filmée à Mazatlán, Culiacán et México City - j'ai passé en tout cinq ans à accumuler des images avant de me mettre au montage.
"Lorsque tu te
représentes un idéal,
sa réalisation
concrète est
vouée à
différer"
Il y a quelques clips dans une piscine que j'ai trouvé avec mon pote Marco à Azcapotzalco à México City (celle du wallride melon), et d'autres encore dans une piscine différente à Ojo de Agua, Estado de México ("Shaggy's pool" - celle avec le gros love seat), qui n'est désormais plus skatable. Les deux spots étaient top.
Wallride melon to fakie. Ph.: Alonso Leal
Il y a un clip que mon pote Nito a filmé lors du Thrasher Rock Mexico Tour de 2017 - le sal flip to fakie sur la pyramide - c'était juste à la suite d'un trick de The Nuge sur cette même pyramide à Queretaro - ça aussi, c'est drôle.
Le loop, aussi, c'était une fameuse expérience : ça, c'était au park D.I.Y. d'Emilio à Punta de Mitta, Nayarit - mon endroit préféré sur Terre.
Quant à la réalisation - filmer, c'est toujours amusant jusqu'au moment où il s'agit de boucler le projet, et puis rentrer le moindre trick devient subitement une guerre interne. Pour les derniers clips que j'ai réussi à gratter, en l'occurrence, j'ai cru virer dingue en particulier. J'imagine que, lorsque tu te représentes un idéal, sa réalisation concrète est vouée à différer - quoique, parfois non, donc va comprendre.
Ollie up to blunt to fakie. Ph.: Miky Crash
Là, je suis enfin satisfait de cette aventure, et du montage final - auquel j'avais carrément cessé de croire à plusieurs reprises par le passé.
LSM : Merci pour ta contribution, Alfredo ! C'est le temps des remerciements, le temps des copains. Santé !
AF : Merci pour cet article, Live Skateboard Media.
Merci à Brett Nichols pour nous avoir mis en contact, et m'avoir montré tant de spots uniques dans la région de S.F.
Merci à Tablas Asombrosas Co. pour toutes ces années et, je l'espère, bien d'autres à venir.
Merci à tous les filmeurs et photographes qui m'ont aidé.
Thanks to Mom, Dad, Dora Isabel, Elisa y Ramiros.
Thanks to all my friends.
Love you all.
Art: Elisa Perez Franco.