VLADIMIR FILM FESTIVAL 2019 / REPORT

Vladimir - le clair obscur.

Un mouton noir qui a connu une croissance exponentielle au fil de ses neuf années d'existence, n'ayant d'égal que celle de l'attention que l'évènement a reçu avec, cette année, environ trois cent visiteurs en provenance de toute la planète, ayant en commun le but d'assister à ce festival à Fažana, en Croatie - un petit village portuaire de l'Istrie lourd d'une histoire chargée, dont la sensibilité à fleur de peau des habitants et les monuments physiques, omniprésents au point d'assurer à l'endroit une importante fréquentation touristique, n'en sont que d'incessants témoins.


Crew report. Luka Pinto, Dillon Catney.

Ce qui n'était à l'origine qu'une initiative toute locale consistant en une série de projections vidéo au skatepark local a rapidement dépassé ce stade embryonnaire au fur et à mesure que ses instigateurs, Nikola Racan (réputé en sous-sol pour sa full-length video 'Solsticij') et les locaux du Skateboard klub August Šenoa ont commencé à utiliser les modes de communication modernes pour se tisser un véritable réseau de collaborateurs internationaux comprenant toujours davantage de photographes, vidéastes et artistes reconnus.


Tomaž Šantl.

Après avoir embrassé les ruines de leur industrie locale traditionelle via une paire d'éditions sur les spots D.I.Y. (au pluriel) qu'ils y avaient construit là, sur les fondations d'usines abandonnées qui contribuaient à alimenter en oxygène le sang de leurs ancêtres, et qui auront suffi à épuiser l'endroit jusqu'à un point de non-retour, ils ont choisi de se rassembler en force et, petit à petit, ont gagné en alliés - et en crédibilité politique.

Cela fait déjà quelques années que le festival a grandi au point de devoir gérer l'arrivée et le séjour de plus de deux cent personnes en moyenne à chaque édition - ce qui suffit, accessoirement, à un pic systématiquement de dix pour cent dans la population du village cette semaine, de par le débarquement de troupes motivées par l'idée d'avant-premières et d'expositions exclusives dans des lieux tels que la forteresse vénitienne de Pula ou encore sur l'Archipel de Brioni - anciennement la résidence d'été du président ex-yougoslave Tito, dotée d'un cinéma en plein air au milieu d'un parc national.

En ce qui concerne les sessions, les initiés savent qu'ils peuvent compter sur les toits de forteresse austro-hongroises prédatant la Première Guerre Mondiale, sur des paysages architecturaux qu'on croirait dessinés pour le skate, le tout dernier spot D.I.Y. des locaux sur le parking ou, en cas de pluie, une mini-rampe impeccable adjointe à une table de ping-pong, en cas de bière.

Il va sans dire que les cas de bière sont légion.

Mais jusqu'ici, tout cela, nous vous l'avons déjà exposé via ce documentaire sur l'édition 2017. Comme pour ne pas faire mentir leur effervescente réputation, depuis, beaucoup de choses ont évolué avec de nouveaux endroits susceptibles d'accueillir les expos, de nouvelles opportunités et, notamment, le projet du plus grand skatepark de la région méditérranéenne à se concrétiser prochainement - vous l'avez deviné - à Fažana. Bon, ce millésime 2019 s'est bel et bien trouvé être le plus corsé jusqu'ici - nuthin' ta fuck wit'.

Cette année a notamment marqué la première fois où le festival a pratiquement débordé de la ville, puisque les organisateurs ont pratiquement manqué de place pour loger les visiteurs sur place et (pour le grand plaisir de chacun) ont du jongler avec des salles deux fois plus comblées que d'habitude. Mais puisque dotés de la force d'adaptation qu'ils appliquent à leur travail depuis le premier jour (le crew n'a jamais changé), ils ont réussi malgré tout à assurer la circulation fluide des visiteurs au sein d'un programme commissionné aux petits oignons, comme toujours.

Le temps fort (s'il ne devait y en avoir qu'un...) du programme fut probablement "STATIC XX", une exposition rétrospective du travail du réalisateur originaire de Floride et de N.Y.C. Josh Stewart sur sa série de vidéos "STATIC". Les films étaient projetés, mais aussi les bandes seize millimètres originales et étaient également attablées les cassettes mini-DV, master tapes, tickets et posters des avant-premières et autres carnets de travail correspondants ; le tout, présenté par l'auteur en personne, qui en a profité pour délivrer un discours touchant.

La prophétie de la présence de Josh sur un Vladimir était dictée quelque part par les étoiles depuis longtemps et quiconque un tant soit peu familier avec le festival le ressentait, probablement, étant donné à quel point l'influence de Josh sur le travail et l'éthique D.I.Y. de Nikola est évidente. 2019 fut l'année de sa concrétisation et il est clair que les deux parties s'y sont trouvées une reconnaissance mutuelle, vu l'attention extrême portée à l'exposition par le duo d'activistes.

 

"STATIC XX" reste visible au Kastel de Pula jusqu'au 25 octobre. Josh est reparti, mais pas le reste ; rien que la présentation de tous ces artefacts saura peut-être convaincre les plus doux dingues - et les plus mordus - d'entre vous de partir en trip improvisé, après tout (et ce serait tout à leur honneur).

Suite à une première - et déjà sauvage - soirée de projections vidéo ("The Ultimate Pessertive Remix" par Javier Varillas; "Ciao" par Ricardo Napoli; l'intemporelle "To Ni Hec" par Tomaž Šantl, puis le hit sous-terrain de l'année signé Sean Lomax : "Cottonopolis"), d'expos graphiques d'oeuvres de Brian Lotti, Ricardo Napoli, Tom Delion, Jenne Grabowski, Pete Thompson, Jordan Hill et de la légende slovène Peter Fettich, et de shopping responsable au skate market comprenant des stands pour des marques locales comme Simple or Absurd, pour le shop Palomino ou pour des artistes indépendants tels que Marko Zubak et Nez Pez, Daniel Lebron Castaños et Ramon Piñas Gracia ont onctroyé à la foule un spectaculaire concert de flamenco à la tombée d'une deuxième nuit qui, évidemment, annonçait son propre déluge de nouvelles diffusions.

Afin de bien digérer par dessus l'appliquée présentation de Peter Fettich et Jaka Babnik's du nouveau livre photo de Peter sur la scène skate D.I.Y. de Slovénie : "Rispect The Boul" à grands renforts de soupe chaude et de bière fraîche, le public s'est trouvé hypnotisé par une longue succession de productions vidéo diverses, dont, notamment, les locales "Tabula Rasa" par Raul Žgomba de Pula, "Pandora's Box" (ou "Blocks" ?) par Luka Pinto de Jersey (sa part dans la "Eleventh Hour" de Jacob Harris, souvenez-vous...) et puis "If You Don't Skate, Don't Start" par l'instoppable Krzysztof Godek, de Pologne. Davy Van Laere exposait quelques clichés en extérieur, aussi, prédisposés à attirer l'attention des badaux qui tanguent dans le coin.


Raul Žgomba et Dino Coce.

Les deux nuits se sont évidemment soldées à la Kasarna pour plus de mini-rampe, de ping-pong et d'ivresse en tout genre. La planche d'un kid local a été focused par le derrière dénudé d'un adulte, tout un peuple a dansé jusqu'à l'oubli, et certains ont eu des soucis de carte de crédit...

(En cas de bière, on vous a dit...)


Tibor aka. King Rakija.

Dans la plus grande ville voisine de Pula, le cinéma d'art-et-essai Kino Valli a hébergé une expo photo de type qualitative signée Julian Furones, puis les projections en salle de "Skate Nation" par Paul Botwid, "Skate Nation", du fantastique "Reactions" de David Mikulan et de "Grinding the Country" par Olivier Lambert, un petit docu sur une scène skate de la campagne française qui a probablement su rappeler des souvenirs de lutte à nombre des spectateurs. Ce fut ensuite au tour de Henry Kingsford de Grey Skate Mag d'exposer des photos, à la galerie Cvajner.


Julian Furones.

La frénésie de ce programme déjà électrique a culminé au cours de la dernière nuit du programme, une traversée à bâteau plus tard jusqu'à l'horizon de l'Archipel de Brioni, susmentionné.

Sous des cieux étoilés, certains se sont perdus, d'autres ont ramassé des plumes et l'évènement s'est soldé par les projections en plein air du nouveau chef-d'oeuvre de Jim Craven : "Pearls", de "Dorkzone 2: Le Boxx" par Phil Evans (un autre dont la présence au Vladimir était due de longue date), Nils Svensson et Mike O'Shea, et puis finalement le dernier long-métrage expérimental de Thomas Campbell : "Ye Olde Destruction", attendu au tournant depuis des années...


Kirill Korobkov.

Ce qui ont survécu aux différents aspects de ladite destruction ont pu connaître une nuit bonus au bistrot du quartier : le Notturno bar aka. Black Lady pour une session intense de skate quiz agrémenté, cette année, de karaoké endiablé organisé notamment par Marko Zubak, tandis que les bienheureux qui avaient trouvé l'expo photo secrète de Kirill Korobkov', bien planquée dans Fažana, ou qui avaient complété les mots croisés concoctés par Nich Kunz' pour le festival du journal (comprenant, chaque année, des interviews et du contenu exclusif, disponible uniquement sur place et limité à quelques milliers de tirages) ont pu remporter les tant convoitées tournées gratuites à la Kasarna...


Dave Morgan.

Si Nez Pez a pu répandre quelques tatouages, ce Vladimir dans son ensemble a sans aucun doute laissé une marque sur chacun des participants et, si vous êtes suffisamment romantique pour avoir traversé tout ce texte chargé (mais en bien des points, il ne saurait en être autrement étant donné les circonstances), alors on s'y verra sûrement l'an prochain, à l'occasion de l'édition anniversaire des dix ans de l'évènement. Une édition qui promet déjà d'être la plus ambitieuse jamais concoctée, selon les rumeurs - et comme le dictent les lois de l'avant-gardisme, ainsi que l'énergie infinie des locaux.

Merci infiniment à Nikola, Oleg, Marina, Butko, Iris, Tibor, Marko, Nich et tous les coupables du Skateboard klub August Šenoa pour toute la magie.

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