PREMIERE / "Brotherhood" / Max Guyot / INTERVIEW

La dernière fois que LIVE a présenté l'une des réalisations de Maxime Guyot, c'était en 2016 : il venait alors de publier le deuxième opus de sa web série "NCY Brotherhood". "NCY" et non le plus commun "NYC", c'est pour Nancy - capitale du duché de Lorraine et ce, bien avant d'être celle de la mode des Amériques. Entretemps, il ne s'est pas endormi et aujourd'hui, c'est avec ni plus ni moins une full-length qu'il revient en force : "Brotherhood" (tout court), c'est tout pile vingt minutes de skate urbain chapitré entre ladite ville de Nancy et ses locaux méconnus mais également Paris, pour une section au cours de laquelle interviennent de nombreux représentants de chez Magenta. Le résultat, c'est une petite pépite indépendante dans la tradition des plus classiques du genre de l'histoire hexagonale, entrelaçant styles rares, montage méticuleux et VX-1000 énergique. Cela suscitait beaucoup de questions, quand même, donc on a poussé le vice jusqu'à interroger Max, qui a fini par craquer sous l'influence des sérums de vérité et autres syndromes de Stockholm.
 

Max Guyot, Soy Panday. Ph.: Antoine Jouguet
 

LIVE Skateboard Media : Yo Max, comment va ? Pour nos lecteurs, veux-tu bien te présenter : qui est-tu, d’où viens-tu, quel est ton parcours dans le skateboard et la vidéo et qu’est-ce « Brotherhood » ?

Maxime Guyot : Yo Aymeric ! Ça va, plutôt détendu après le stress de l’export de la vidéo et autres galères… J’ai vingt-sept ans, je suis né et vis à Nancy, dans le Nord-Est de la France. J’ai commencé le skate en 2005, j’habitais juste à côté du spot de l’époque que l’on appelait la « Small Place ». J’y voyais tout le temps des « plus grands » skater, ça m’a donné envie de m’y mettre et depuis, je n’ai jamais lâché !

"Si vous avez besoin d’une planche ou de matos, une seule adresse : Fetish Skateshop !"

Il y avait notamment un jeune Karl Salah qui skatait souvent sur ce spot, il était déjà super chaud. La première vidéo que j’ai vu devait être la même année: la « Pandore » de David Couliau, qu’il m’arrive toujours de visionner aujourd’hui. Les vidéos avec lesquelles j’ai le plus accroché avant 2010 sont « Lost And Found » et « Make Friends With the Colour Blue » de Blueprint, « Portraits » de Landscape, « Inhabitants » d’Habitat, la « Static III » de Josh Stewart (avec la meilleure part de Soy Panday…). Finalement, c’est « Minuit » de Yoan Taillandier qui m’a clairement donné envie d’acheter une caméra. Le projet mettait en avant la scène bordelaise plutôt que les exploits d’un bonhomme capable de faire 360 flip crooked grind sur un rail de quinze marches (j’étais déjà désintéressé par ce style de skate…), et ça me parlait à fond.

"Le skate est une activité de potes, sinon c’est pas rigolo…"

J’ai acheté une Sony VX-1000 sur eBay en 2013 à deux cent cinquante euros en super état, et le fish-eye MK1 à un gars qui me l’a vendu deux cent cinquante euros aussi - une affaire en or ! 

J’ai publié sur YouTube un premier montage : « NCY Brotherhood » en 2015, puis le second volet « NCY Brotherhood II » en 2016. Cette nouvelle production « Brotherhood » est le troisième volet qui vient clôturer la série!

LSM : La réalisation de « Brotherhood » a pris deux ans, c’est bien ça ? Peux-tu nous raconter son histoire, t'es-tu lancé bille en tête dans l’aventure d’une full-length indépendante dès les balbutiements du projet, ou as-tu commencé par accumuler spontanément des images sans trop prévoir une forme finale ? Finalement, avec cette vidéo, dirais-tu que tu t’es investi d’un quelconque objectif ? Et pourquoi ce titre ?

Max : On s’approche même des trois ans… Les plus vieilles images datent de 2017, puis 2018 et 2019. Je skatais et filmais principalement sur les week-ends, ce qui explique le délai. Le plus long était surtout d’acquérir des images de tout ce que je voulais montrer, pour que ça ressemble un minimum à ce que j’imaginais. 

Dès le départ, je voulais faire un format plus long au niveau du montage - je visais un quinze, vingt minutes. Le terme de Brotherhood vient des premiers épisodes « NCY Brotherhood ». À Nancy, en tout cas pour l’équipe présente dans les deux premiers chapitres de « Brotherhood », on se connait presque tous depuis plus de dix ans. Forcément, ça crée des liens ! Le « NCY » n’est plus à la page car le projet s’est exporté sur Paris tout en restant dans la même logique : skater et filmer avec mes potes.

"La ville [de Nancy] n’est pas toujours « skate friendly »"

LSM : Les deux premiers tiers de la vidéo sont consacrés à ta scène locale : celle de Nancy en France, comment saurais-tu nous présenter la scène de cette ville en mots, bien que tu viennes de le faire au monde entier en images ? Quelques noms, quelques productions, quelques activistes sur lesquels se pencher, pour les curieux ? Est-ce là que tu as réalisé les premières images pour la vidéo ? As-tu « choisi » les skateurs locaux avec qui tu as filmé, ou es-tu plus du genre à intégrer tout le monde ; et d’une manière générale, filmer dans les rues de Nancy à la VX, ça fait comment ?

Max : Skater à Nancy, c’est plutôt bonne ambiance… Le centre-ville n’est pas très grand, ce qui permet de bouger d’un spot à l’autre rapidement, et le spot de chill du chapitre deux est près de la gare, justement en plein centre-ville et donc, parfaitement situé. Une nouvelle place avec curbs, trottoirs, palettes et mur a vu le jour il y a deux mois mais est déjà pleine d’anti-skates, ça a poussé comme de la mauvaise herbe… La ville n’est pas toujours « skate friendly » et il arrive que l’on se fasse éjecter par la police sous peine d’amende pour être redirigé vers la « piste de skate ». À côté de ça, le maire actuel utilise le skate comme outil de communication, en installant un skatepark éphémère en plein devant la gare en août 2019, ou encore un autre, cette fois dans un futur local culturel. 

Heureusement, on ne se fait pas virer à chaque fois ! On dirait parfois que c’est selon l’humeur du jour…

 Florent Juliac
Corentin Ohlmann, backside 50-50. Ph.: Florent Juliac

A côté de ça, il y a eu pas mal de bons évènements en 2019 pour une ville de taille moyenne : une expo de Raphaël Zarka et Fred Mortagne, une expo de Sergej Vutuc, une visite de DC Shoes France…

Pour les personnes de passage à Nancy (et les Nancéiens, d’ailleurs), si vous avez besoin d’une planche ou de matos, une seule adresse : Fetish Skateshop ! Le shop est tenu par Hervé, qui skate depuis environ trente ans et est toujours super motivé aujourd’hui.

Pour ce qui est des activistes locaux, Greg, un 'ancien' de la génération d'Hervé, a une VX-1000 depuis quelque temps et prépare une video, lui aussi (son style est très expérimental, mais c'est cool !).

Mathis [Khelifi], qui clôture le chapitre premier de la vidéo, skate pour le shop et reçoit des Vans et des planches Element. Il sera sans doute dans le coin avec sa bande, si vous passez à Fetish !

Pour ce qui est de « Brotherhood », le filming a logiquement commencé à Nancy avant de s’exporter sur Paris.

"La VX-1000 couplée au MK1, c’est le top,
mais ces tarifs de luxe, c'est abusé"

Les skateurs présents dans la vidéo sont tous mes potes ! C’était donc un peu une sélection naturelle [rires]… L’objectif de la vidéo était d’intégrer les gens avec qui je partage les sessions, tout simplement. Je ne pense pas que les deux parts Nancy auraient la même cohésion si j’avais rencardé un mec uniquement parce qu’il est capable de faire un flip noseblunt, ça aurait été hors sujet à mon sens et c’est absolument pas ce que je voulais montrer. Le skate est une activité de potes, sinon c’est pas rigolo…

LSM : La vidéo se clôt sur un troisième chapitre se déroulant, lui, à Paris. Pourquoi ce choix, et comment t’es-tu retrouvé à intégrer des images filmées sur place au sein d’une timeline Nancy ? T’es-tu retrouvé à filmer à Paris spontanément, ou y as-tu fait quelques trips spécialement dans ce but ? Quelles sont tes connections sur place, comment as-tu été accueilli et comment as-tu choisi les skateurs que tu y as documenté ? L’idée qu’une part Paris puisse éventuellement servir de fenêtre sur la scène de Nancy pour les curieux t’a-t-elle effleurée l’esprit, ou est-ce que tout s’est mis en place naturellement ?

Max : Plusieurs de mes potes ont déménagé à Paris il y a cinq ou six ans maintenant (Corentin Ohlmann, Louis Perruchaud, Victor Démonté, Joffrey Morel…), ils ont rapidement été bien en place - Victor a chopé une VX et fait plein de montages cools. Je me suis dit qu’il faudrait moi aussi que je fasse quelque chose avec Paris. L’emménagement dans la capitale de mon pote Emilien Bonnet en novembre 2018 m’a poussé à m’y rendre avec ma caméra, dans l’objectif de filmer ce qu’il se passait là-bas et intégrer un chapitre Paris à la vidéo. Ce qui était logique, plusieurs des Nancéiens y vivant… A la suite de ce premier voyage, j’y suis retourné quelques fois et le compte était bon. 

Le dernier trip était fin août 2019, où on s’est mis une bonne mission avec toi ! 

Sur place, on a connecté Soy, Chuck, Maz [Masaki Ui] que j’ai rencontré à Bordeaux en 2011 (j’aurais bien aimé qu’il ait plus de tricks !) et toute la bande. Il s’en est suivi des cruisings en passant de spot en spot, en récoltant des images petit à petit.


Soy Panday, halfcab nosewheelie. Ph.: Antoine Jouguet

Tout s’est mis en place naturellement, même si je craignais que la part à Paris soit plus regardée que les chapitres dédiés à Nancy. Mais finalement, dans la logique de la vidéo qui est de mettre la scène et les potes en avant, je pense que ça fonctionne pas trop mal.

LSM : Au niveau de la présentation et du montage de « Brotherhood », quid de tes influences ? Qui d’autre as-tu impliqué dans la réalisation de la vidéo ? Tu consommes beaucoup de vidéos de skate (par exemple, Jahmal Williams dans la DNA, ça te parle) ? Enfin, en général, la VX-1000 en France en 2020, c’est pas trop galère ?

Max : Plein de vidéos différentes m’influencent, en grande majorité des vidéos indépendantes. Les grosses vidéos commerciales que sortent les marques ne m’intéressent pas vraiment, en général.

Je suis à fond de skate japonais, que Minuit m’a permis de découvrir ! Les vidéos 3RDZ sont top, la « Far Out 2 », Manwho, les « LENZ » de Tightbooth, les vidéos FESN de Takahiro Morita… 

Tout récemment, Teppei Ono de Toyota m’a envoyé sa nouvelle vidéo « HAIIRO » qui est vraiment au top aussi (merci à lui !). La créativité et l'authenticité remplacent la performance et c’est ce qui m’intéresse dans ces vidéos.

Au delà du Far East, j’ai adoré la « Sprinkles » de Zach Chamberlin, « Solsticij » de Nikola Racan, les vidéos du crew Threads Idea Vacuum, « Spirit Quest » de Colin Read… Il y en a plein ! J’achète en DVD toutes les vidéos indépendantes qui me plaisent, j’ai une bonne collec'… Le concept de Parisii était vraiment top aussi.

"J’aimerais bien partir filmer à l’étranger, vers une destination que je ne connais pas"

Pour « Brotherhood », Corentin s’est chargé de tout ce qui est dessins et textes intégrés à la vidéo. Je lui transmettais une idée, et on essayait… C’était top de l’impliquer au projet, on a passé beaucoup de temps ensemble à skater, se marrer, chiller… Et il a fait du bon boulot !

Pour ce qui est de la VX en 2020, tant que la caméra est vivante, c’est pas forcément galère ! En revanche, ce qui me fait halluciner, c’est à quels prix les caméras se vendent, c’est n’importe quoi… En visant notamment certains comptes Instagram, qui profitent de la demande pour doubler le prix de ces caméras. Niveau rendu, la VX-1000 couplée au MK1, c’est le top, mais ces tarifs de luxe, c'est abusé. Il vaut mieux creuser sur eBay... 

LSM : Merci pour ton temps, quoi de neuf pour la suite, Max ? De nouveaux projets en cours, vidéo de skate ou autres ?

Max : Merci à toi Aymeric, ainsi qu’à tout ceux qui ont participé à la vidéo !

Pour ce qui est de la suite des idées… J’aimerais bien partir filmer à l’étranger, vers une destination que je ne connais pas forcément. On verra !

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